L'Ordre de La Confrérie
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 Merlin GAUNT

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Thorfin
Bavard
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Thorfin


Nombre de messages : 21
Localisation : le 22 à Asnières
Date d'inscription : 11/02/2006

Merlin GAUNT Empty
MessageSujet: Merlin GAUNT   Merlin GAUNT EmptySam 25 Fév à 2:51

Merlin Gaunt vit quelque part en Bretagne intérieure, l'Ar Coat de ses ancêtres. Sa passion pour l'art, les villes, le siècle victorien, le romantisme noir, les romans à mystère, le japon, la musique rock, etc..., l'ont mené de l'archéologie à l'écriture pour mieux aller à la recherche des envers du décor et vivre sa "dark attitude"... Il a participé à plusieurs anthologies parues chez l'Oxymore (Cités perdues, Polar et très récemment Trésors) et collaboré aux fanzines Le Calepin Jaune et Parchemin et Traverses.
Le site officiel de Merlin et de son alter ego Mr.You : http://www.merlingaunt.com

Le sang des pierres
De toute éternité nous étions. De cette -éternité qui commence au temps où s'incarna l'Esprit. Notre face grise et sans trait a reflété toutes les forces et toutes les faiblesses de ceux qui nous ont mis debout. Les Hommes. Leurs peurs, leurs espoirs, leurs guerres. Il fut un temps où, à nos pieds, passaient les fées en cortèges. Un temps où elles n'avaient nul besoin d'en nous venir se réfugier. Pierre nous sommes, debout nous avons passé le temps.
J'ai oublié. J'ai oublié les saisons et la durée ; je ne savais même plus qu'il passait, le temps des Hommes, depuis que je repose dans cette roche qui m'a vu naître, grandir, apprendre, mourir, revenir. Je fus humain, un jour. Druide, vate, sorcier blanc- Médium entre l'esprit de la pierre et l'Homme, j'ai maintenant rejoint la pierre. Tous en cercle, en chaîne, nous tenions au bout de nos mains, l'ordre du monde. Et puis...
Ils sont venus en procession, ceux de ce temps qui passe, alors qu'il n'y avait plus que sorcières et fadettes pour oser nous parler. Les autres ne venaient plus qu'en secret nous contempler à la dérobée, et, presque avec honte, caresser nos flancs de granite pour demander aux esprits et aux fées ce que nulle part ailleurs ils ne semblaient trouver. Comme en désespoir de cause.
Et, en ce début de Cantlos, leur octobre. Quand ils sont apparus tous ensemble et au grand jour sur notre terre, je me suis éveillé à leur désespoir.
A leur tête l'homme d'un dieu marchait, gonflé d'importance. Je fus étonné d'abord de sentir une âme si noire chez ce serviteur du divin. Je nous avais crus semblables mais il était très différent ; il pensait son dieu seul détenteur de la Vérité. Il était enferme dans sa tête et débordait d'orgueil. De pensées de vengeance, d'éradication et de domination. Méprisant et rejetant tout ce qui n'était pas son dogme. Et les hommes courbaient la tête devant lui, le coeur rempli de peurs et de doutes.
Le prêtre monta sur le tertre au milieu de la prairie, sans savoir que, sous ses pieds aux lourds godillots, vivait mut un univers. Il n'avait jamais vu les vertes plaines de l'Autre Monde, jamais soupçonné les rives d'Avalon, jamais rêvé les yeux cristallins des fées. Il leva vers le ciel deux bras décharnés et blancs et sa voix claqua.
"Vous tous avez répondu à l'appel de Dieu ! II faut chasser le Malin de ce lieu. Ceux qui ont parfois été tentés, par faiblesse ou par ignorance, de venir chercher ici quelque réconfort ou qui ont cédé aux superstitions stupides qui courent sur cet endroit maudit, seront pardonnés car notre Seigneur, dans son immense bonté, connaît la faiblesse et l'ignorance de ses enfants, et comme un père bienveillant et tout puissant, il saura voir votre repentir et saura vous conduire sur le chemin de l'absolution. Mais c'est avec votre sueur et votre sang que vous laverez vos péchés car il n'en est de pire à la face de Dieu que votre mécréance ! C'est le Diable qui réside en ces pierres maudites ! Et c'est lui seul que vous avez vu quand vous avez cru voir ici magie et miracles. Seul Dieu, notre Seigneur peut faire des miracles !"
Il avait hurlé dans le silence du ciel, crachant presque ses mots sur la foule paysanne rassemblée à ses pieds. Nous, nous avions écouté de toutes nos oreilles de vent ; nous sentions palpiter le danger comme un tambour de guerre et nous pleurions de nos larmes de ciel. Alors, ils posèrent sur nous leurs mains. Partout, dans toutes ces âmes, régnait le chaos et je ne parvenais pas à saisir leurs intentions. Ils étaient nombreux, tout le village presque, et je compris qu'ils voulaient nous prendre quand à nous ils ont attelé leurs lourds chevaux de labour. Ils allaient nous arracher à notre terre, nous éparpiller. Mais la roche se défendit Elle se fit pesante et grave, puis cria contre le chanvre des cordes comme un homme au supplice. Et les pilleurs baissèrent la tête, regardèrent ailleurs. Je sentais bien leur détresse, leur crainte. Parce que je sais ces gens ; ils ont dans leurs veines de mon ancien sang et dans leur âme se cache encore un peu de la foi d'antan. Je comprenais qu'au fond d'eux ils ne souhaitaient pas nous faire mal, qu'ils ne faisaient qu'obéir, par peur du terrestre pouvoir de celui qu'ils appelaient l'Abbé. Celui qui ne savait pas que l'esprit est plus fort que le temps.
Quand le premier menhir tomba, la pluie de nos larmes coula du ciel et vint oindre la peau grise de la pierre, baigner sa souffrance.
Quand le premier menhir tomba certains s'enfuirent, comme frappés d'une terreur sacrée, d'autres firent leur signe, celui du dieu de l'Abbé, cette croix mortifère qu'ils voudraient protectrice mais qui se disperse aux quatre vents. Aussitôt, tous les esprits du Sidh envahirent la prairie, et sur le tertre souffla un vent de panique. Je sentais autour de moi la tourmente des esprits des morts, l'incrédulité mêlée d'indignation des Gardiens et du Petit Peuple tout entier. Dans mon abstraction, je crus pourtant saigner. Moi, le sans corps, je me vis des mains, rougies du sang des pierres. De ce sang qui n'existe pas, dans leur réalité. Et d'autres Gardiens étaient attaqués, cernés de toutes parts par la troupe, et les bêtes et les cordes.
Ils travaillèrent ainsi tard dans la nuit, jusqu'au lever de lune au ciel trempé. C'était l'Antoux, la lune pleine, et l'astre sublime sembla aussi verser des larmes d'argent sur ceux de nous qui étaient déjà tombés. Ses vagues laiteuses transformèrent en ossuaire le lieu du carnage. Les pierres, qui gisaient à terre comme de grands corps démembrés, semblaient à présent être les squelettes abîmés de quelques géants difformes. La lune, voyant notre agonie, se voila de nuages sombres et tristes, déployant brusquement les ténèbres. Et l'Abbé, malgré ses exhortations, ne put retenir les villageois qui quittèrent, affolés, ce lieu d'horreur. Et le silence succéda au vacarme. Autour de nous tout n'était plus que désolation ; rien n'avait échappé au désastre. Les bosquets de sureaux et de noisetiers gisaient à terre, foulés aux pieds par la multitude, les branches basses des grands chênes avaient été coupées pour pouvoir mener aux carrioles les plus grands d'entre nous. Et pour la première fois de ma douce nuit minérale, je me sentis immobile et glacé, présent.
Alors la tempête se déchaîna ; un grand vent passa sur les champs et les chaumières, arrachant les clôtures et les tôles des hangars, affolant les bêtes. Il soufflait de nos âmes bouleversées. Durant la nuit, les puits s'asséchèrent, ne livrant plus que de la boue malgré nos larmes abondantes qui ruisselaient toujours sur notre sol outragé. Les nuits passaient Toujours la multitude revenait et abattait les Gardiens et les portes, éventrait les seuils et les sanctuaires, sans soupçonner l'atroce déchirure qui s'ouvrait dans nos âmes millénaires. Je sentais les hommes et leurs chevaux se rapprocher du dolmen qui m'abritait Autour de moi tout était vide. La terre de notre lieu était comme une gueule de loup édentée, inutile et moribonde. J'avais vu décroître la lune et les fées s'étaient tues. A lune morte, toutes les pierres étaient à terre. Les âmes endormies, perdues sans leurs gardiens de sépultures, commencèrent une errance sans fin. Des ondes magnétiques désordonnées sourdaient de la terre blessée comme du sang d'une plaie. Et ce fut le temps du silence.
Après chaque nuit, dans le matin froid, les paysans exténués, les mains en sang et les pieds gelés, devaient subir les sermons de l'Abbé qui exultait devant ce qu'il croyait être la défaite du Diable. Il ne cessait de ré¬péter que rien, ici, n'était magie car aucune de ces pierres couchées n'avait pu seule se relever.
Et puis, un soir, ils vinrent m'extirper de mon réceptacle ; la table de mon dolmen se fracassa en touchant le sol. Privé de mon fixateur d'âme, j'endurais les douleurs du démembrement. Mais rassemblant mon es¬prit et ma puissance, m'extrayant du grand Tout, je parvins à fuir et à me réfugier dans notre antique neméton, au coeur de la forêt, là où la nature est sanctuaire, là où depuis toujours résident les druides. Le temps suspendit son cercle et, comme un animal blessé dans sa tanière, je restais blotti dans l'âme de sève d'un chêne centenaire.
Et quand la lune réapparut, dévoilant son croissant à la terre désolée, la grande Dame Blanche, notre fée venue de sa forêt lointaine pour ras¬sembler nos coeurs dans ses mains pures, posa son front de neige contre mon écorce et m'abreuva de sa douce force. Alors je sus...
Les nuits succédèrent aux nuits. Cependant que croissait le cercle de la lune au ciel bleu noir, nous reprenions vigueur ; dans sa lumière, dans chaque étoile accrochée à la voûte de la nuit nous puisions l'élan de vie, le souffle du Tout. Nous évoquions Kernunnos le Cornu, Lu-, Bélénos. Tous Ses visages, et tous Ses vocables qui ne s'écrivent, ni ne se disent. Et Il prenait puissance, matière, derrière le front de vent des antiques druides assemblés, formant cercle autour de la Porte. Du di¬vin seuil qui ouvre les univers, lisière de ce monde, et de l'autre. Nous revîmes en un éclair toutes ces nuits de désastre et nous sûmes alors qu'une grande pierre vide d'esprit avait glissé et écrasé sous elle deux paysans ; l'image de leurs corps mutilés et de leur sang sombre sur la roche fit gémir de douleur tout le cercle. Que nos Gardiens puissent sans le vouloir, faire mourir des hommes, nous stupéfia et fit renaître en nous la lancinante question : pourquoi nous prendre, nous qui n'étions qu'immobilité et silence ? Et le tourbillon de nos énergies, de nos esprits mêlés, s'enflait chaque nuit, à chaque pouce de lune gagné. L'Abbé avait formé une sorte de cairn bancal avec nous. Il nous avait empilés derrière son temple froid et exigu et avait planté entre nos car¬casses deux croix de fer qui exhibaient des corps tordus. Les fées venaient tourner et tourner autour de cette colline de désolation en gémissant et l'Abbé, sans les voir, tenait devant son oeuvre des soliloques remplis de menaces.
Vint la nuit où plus une seule pierre ne subsista dans la prairie. Nous étions tous dans le cairn de l'Abbé, certains emprisonnés dans leur coque de pierre blessée, d'autres, comme moi, cherchant dans la multitude et dans l'Unique la force de revenir. A la toute fin d'octobre, ils allèrent en procession de notre terre dévastée au cairn de l'Abbé ; tous, marchant l'un derrière l'autre, formaient dans la campagne trempée, sur la nuit claire et le ciel enfin sec, un long serpent de feu.
Des enfants en robe blanche chantaient et leurs voix étaient pures et douces à nos âmes blessées. Nous regardions de nos yeux d'étoiles passer ces vivants et la Dame Blanche étendit sa main de bonté sur les enfants.
L'Abbé marchait en tête dans le vent, portant à bout de bras une lourde croix où était clouée l'image de son Sacrifié. Son regard, fixé au ciel noir, passait à travers nous pour se perdre dans ce qu'il ne semblait pas voir. Les autres marchaient en regardant leurs pieds comme si le chemin allait se dérober sous leurs pas. La route était longue dans le froid alors qu'approchait minuit La peur, les chants, la foi rageuse de l'Abbé, la fumée d'encens tournoyaient entre eux et nous. Quand l'église fut en vue, nous commandâmes aux éléments et un brouillard magique teinté de vert et de rouge vint envelopper le faux cairn où nous gisions. Une odeur sulfureuse descendit lentement vers le groupe affolé et, comme un avertissement, alla s'infiltrer dans les gorges et les narines, faisant tousser et pleurer. Bientôt tous se mirent à cracher une salive au goût de soufre. Le prêtre exultait, gesticulant, menaçant Satan, le Diable, Lucifer, hurlant que cette brume magique était une exhalaison de l'Enfer. La grande Dame Blanche se mit à rire et des nuées d'orage roulèrent au ciel fermé. Elle étendit sa main de justice et le brouillard fondit aussitôt sur le cortège. Hommes, femmes, enfants, tous tombèrent, liés par notre puissance, incapables de parler ou de marcher. L'Abbé, épargné par le brouillard, ne s'inquiéta même pas de ses paroissiens affalés dans la boue. Les torches s'étaient noyées dans les flaques d'eau et il n'y avait plus pour éclairer la nuit, à présent, que la lueur pointue des étoiles. En silence, la Dame Blanche étendit sa main de colère. Le prêtre hurla de rire et, se croyant protégé par sa foi de ce qu'il croyait être le Diable, se remit en marche vers son but, attiré par la puissance magnétique de la fée. Déjà, l'air tremblant se déchirait en larges bandes de lumière blanche, et le tonnerre de Taranis éclata entre le ciel et la terre. La silhouette diaphane de la Dame s'incarna soudain en haut du cairn. Elle devait libérer tous les atomes de son être de la douleur et de la colère qu'avait en elle l'épierrage de notre terre. L'Abbé, le visage livide et les yeux fixes comme un homme qui s'est quitté, tomba à genoux en prière au pied de sa colline. Il appela la Dame Blanche des noms de Sainte, de Vierge et de Marie ; la remerciant d'avoir vaincu pour lui les forces du Mal, et s'abattit sur le sol ; puis, tirant sa lourde croix sur son dos se mit à ramper sur nous. Escaladant une à une les roches sans dessus dessous, il s'arrachait aux arêtes vives et sa robe déchirée laissait voir son sang. Sa main agrippa enfin la dernière pierre et il se redressa en titubant Là où, un instant avant, se tenait notre fée, il n'y avait plus que le vide, car elle n'aurait pu supporter qu'un mortel si haineux la touchât L'Abbé sembla désemparé, puis, soulevé de rage, brandit sa croix et la planta d'un coup sec entre nos flancs disloqués. Alors tout le Sidh hurla et la Dame Blanche, par sa bouche immense, souffla le vent divin. Nous l'enflâmes de la somme de nos énergies, tous ces réseaux célestes et telluriques qui passent par les lignes de nos mains ; nous, les druides, nous consumions de colère et de douleur et un grand feu naquit.
Comme une langue de dragon, il traversa le ciel et vint fouetter le prêtre. La robe noire s'embrasa. Quand le terrible éclat de la Dame Blanche, éternel et intermittent, cessa, et que se tarit le feu de notre courroux, il ne restait sur les pierres qu'un petit tas de cendres. Un souffle doux les dispersa aussitôt, laissant le vide à la place de l'homme. Sur la croix penchée, le visage souffrant du Sacrifié était intact. Les paysans, revenus de leur torpeur magique, commençaient à arriver aux pieds du cairn, et fixaient avec stupeur l'absence de l'Abbé. Certains firent leur signe et tous posèrent avec bienveillance leurs mains sur nous. Alors la pleine lune, toute de lumière et d'argent, se dévoila pour fêter Samain, la nuit où les vivants rencontrent les morts, où les deux mondes se confondent C'est pour nous, Celtes, la première nuit de la nouvelle année. Le temps de l'hiver et de la gestation, là où commencent les germes du printemps.


Merlin Gaunt, septembre 2005
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